Vous connaissez la publicité pour les frites McCain ? C’était il y a 15 ans déjà. La compagnie avait fait une publicité accrocheuse pour ses frites surgelées avec comme slogan : c’est ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus. Si vous êtes français et de ma génération, vous connaissez. Mais ici au Québec cette publicité a du passer inaperçue.
Qu’importe, il y a dans cette affirmation quelque chose de bien pertinent. Et je me permets de la renverser pour souligner toutes ces convictions criées haut et fort mais sans que cela ne se traduise par des comportements cohérents. Au Québec, on poserait la question de savoir si les bottines suivent les babines. Cela dit bien ce que cela veut dire.
La cohérence, ha tout un débat ! Si vous écoutez bien les personnes autour de vous, leur discours, vous pourrez vous rendre compte à quel point les paroles sont parfois diamétralement opposées de ce qu’elles font réellement. Et n’en découle autre chose que pour connaitre vraiment quelqu’un, il vaut mieux s’intéresser à ce que la personne fait plutôt qu’à ce qu’elle dit. Pas ce qu’elle dit faire, mais ce qu’elle fait réellement. Beaucoup de personnes brassent pas mal de vent à venter justement leurs qualités, leurs mérites en tout genre. On peut les trouver narcissiques, ce qui n’est pas toujours faux. Et on peut s’en éloigner, soûlé de propos vides de sens et d’action.
Certaines personnes vont verbalement sortir de telles aberrations qu’on voit bien qu’elles n’ont aucune idée de leur applicabilité. Car s’il est vrai que la science nous fournit de bien bonnes idées et innovations pour la pratique, passer de l’un à l’autre sans aucun processus de digestion par l’expérience s’avère souvent la prémisse d’un échec cuisant.
Cependant, ce n’est pas toujours aussi évident que le nez au milieu de la figure s’il on peut dire. Souvent, lorsqu’on entretient certains propos avec vigueur, c’est qu’on veut convaincre les autres et/ou se convaincre soi-même. Et il est probable aussi qu’on veuille convaincre l’autre d’une information pour éviter d’être pris en défaut.
Par exemple, il n’y a pas plus malhonnête que quelqu’un qui va parler d’honnêteté encore et encore, vous convaincre de sa grande honnêteté ! Certaines personnes qui en ont floué d’autres ont misé sur la confiance et le sentiment d’honnêteté perçu. Quand on est honnête, on n’a pas besoin de le crier sur tous les toits. On est simplement ce que l’on est. Mais par contre quand on ne l’est pas, on sait aussi que ce comportement, cette attitude est proscrite dans la société. Mais dire qu’on est ceci ou cela sans agir comme tel n’est rien d’autre qu’un mensonge. À soi en premier et à tous les autres ensuite. Il y a toutefois toujours une bonne raison à verser dans cet excès.
Bien souvent, cela marche vraiment de prétendre sans agir, car d’autres ne vont pas au-delà de ce qu’ils ou elles entendent ou lisent. Beaucoup ne vont pas plus loin que le bout de leur nez. Là encore, c’est pour satisfaire une croyance en particulier. S’il fallait vérifier la véracité, cela risquerait de faire s’écrouler le château de cartes. Et pourtant ! vous trouverez toujours toute l’information pour justifier n’importe laquelle de vos croyances, dans un sens comme dans l’autre. Et maintenant l’internet fourmille d’informations toutes plus contradictoires les unes que les autres, mais aussi toutes savamment bien étayées, et soi-disant prouvées (dans le meilleur de cas !). En fouillant un peu par contre, bien des assertions vont tomber. Il ne s’agit pas de trouver l’information écrite ou dite par un autre, mais de celle qui passe par le filtre qu’on a tous à l’intérieur de soi. Ce filtre qui révèle la vérité vraie, qui fait sentir ce qui est juste. Tout le monde l’a. Après cela dépend si on l’utilise ou pas. Et c’est comme pour n’importe quoi, ce qu’on n’utilise pas a tendance à rouiller, s’user, s’encrasser dans un coin.
Ce filtre fait aussi sentir ce qu’on va nommer en psychologie : la dissonance cognitive. C’est cet état entre ce que l’on veut croire, ce que l’on croit déjà et le comment on veut agir. Plus l’écart est grand et plus l’inconfort augmente. Au point où il faut changer certaines choses. Le plus juste serait d’adapter son comportement, mais ce n’est pas toujours possible, pour toutes sortes de raisons plus ou moins valables reliées à sa propre capacité à la responsabilisation et à ses croyances plus ou moins bien ancrées. Faute de pouvoir changer de comportement, on va changer ses croyances, et adopter celle qui réduit cet écart afin de se soulager et de retrouver une certaine harmonie. C’est ainsi que bien du monde finit par endosser des attitudes, des croyances diverses, pour éviter de souffrir face à leurs propres schémas de fonctionnement. Et on peut croire ainsi à des choses aussi absurdes que leur contraire, c’est plus facile à supporter même si c’est totalement aberrant. Et il est fascinant de voir la force de conviction de certaines aberrations. N’essayez même pas de les démonter, vous seriez démonisé(e) !
Comment alors démasquer le vrai du faux ? Dans les comportements réels, les attitudes au quotidien plutôt que dans les prétentions. Les plus grands mystiques, les vrais, ne passent pas leur temps à vous instruire de ce qui est juste. Ils sont dans la justesse, à chaque instant et ne perdent pas leur temps à tenter de vous en convaincre. Ils savent que dès l’instant où ils tentent de mettre une parole sur ce vécu intérieur, ils sont déjà loin dudit vécu. Ils voient les errements mais laissent faire car la plus grande et belle intégration ne peut venir que de la personne elle-même, lorsqu’elle se sent prête à lâcher le factice auquel elle s’attache.
Sachez aussi qu’on ne prêche que ce qu’on a vraiment besoin d’apprendre soi-même ou de soi-même. D’où l’idée de se convaincre en faisant l’emphase d’une situation, d’un comportement, d’une attitude. Faire face à sa vérité intérieure exige une responsabilisation de ses agissements. Il arrive qu’on puisse penser qu’en insinuant telle ou telle chose, qu’en rabâchant les mêmes croyances encore et encore, cela va vraiment changer quelque chose. C’est de la pensée magique. Si l’on ne met pas la main à la pâte, rien ne se fera. Mais ça fait « la job » pendant un moment. Ça éloigne à travers la conviction. L’humain a besoin de catégoriser, de comprendre les choses. C’est naturel. Il lui faut une explication pour tout. Et face à l’inacceptable, parfois, vaut mieux croire à ce qui fait du bien que de faire face, trop fragile dans l’immédiat pour un changement salutaire.
Ne soyez pas dupe. Éviter de gober tout ce qu’on dit sans utiliser votre filtre intérieur, celui du discernement. Lorsqu’une personne vous assomme de ses convictions, que votre lanterne intérieure s’allume et voyez en quoi cela concerne l’orateur et non vous-même. Parce que la seule vérité valable, est la vôtre, non pas vos croyances multiples, mais cette évidence au fond de vous, qui même si parfois fait mal, fait toujours du bien.
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